"Artistes en Dordogne Périgord" est une sélection d'artistes vivant et travaillant en Dordogne ou en Périgord. [Contenu non exhaustif]

Leviski Franck
Inscrit par i-dordogne dans Peinture le 5-01-2011
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Formé à l’Académie des Beaux Arts de Brive puis à l’École des Beaux Arts de Bordeaux, Franck Leviski développe très tôt sa forme caractéristique de l’abstraction des champs de couleur, privilégiant des bandes verticales aux contours secs et réguliers. Mais il se trouve rapidement dans une impasse et cherche à se soustraire à une forme de romantisme qu’il considère comme une expression dépassée.

Influencé par l’expressionnisme, il fait le choix de fabriquer puis démonter physiquement ses oeuvres.

C’est alors la matière picturale même qui devient l’objet de l’expérience esthétique. Il superpose tout d’abord avec obstination des dizaines de couches de peinture, inlassablement répétées. Vient ensuite l’étape de la déconstruction. D’un geste sûr, il gratte, ponce, meule, arrache la matière, comme si le fond qui se trouvait caché devait réapparaître à la surface, non dans sa totalité mais par traces. La matière qui remonte ainsi acquiert une existence autonome. Les scarifications prennent vie. L’artiste crée au rythme de ses outils métalliques une texture vibrante, une sorte de peau délicate et insaisissable.

Cette « remontée du fond » bouleverse la lecture de l’oeuvre qui offre des impressions contradictoires et simultanées. Le faux monochrome, et l’énergie qui s’en dégage, trouble, intéresse et inquiète, transportant l’observateur bien au-delà de la vision équilibrée, toujours harmonieuse et parfois chatoyante du tableau. La mise à jour, suite au recouvrement systématique, rapproche le point de vue tout en installant une profondeur. Allié à une multiplication des lignes, ce procédé vise à déstabiliser, à donner le vertige.

Faisant dialoguer le lointain et le proche, cette sorte de perspective à rebours mobilise donc les deux orientations de la dynamique verticale du tableau. En ce sens, il ne s’agirait plus de creuser la matière mais, pour ainsi dire, de la faire avancer. L’oeuvre de Franck Léviski pourrait être une métaphore de la stratification de la mémoire. Pour autant, il ne faudrait pas trouver sa traduction dans un mouvement allant du “souvenir”, conservé dans la matière, vers un “devenir possible”. « Bien au contraire, explique l’artiste, je suspends le temps, je casse une perspective de futur. C’est un ouvrage sans fin, c’est un mécanisme de la confrontation de l’homme seul et de la disparition ».

Parallèlement, l’artiste mène un travail de peinture sur papier, inspiré de l’écriture automatique. Sur une base calligraphiée, il tente de lier les contraires, l’organique et le géométrique, l’esprit et la matière. Une fois de plus, Franck Léviski sonde notre culture visuelle contemporaine, nos accoutumances esthétiques, nos soumissions aux effets et signes visuels de la société de consommation et de communication de masse. Il déconstruit au pinceau et au burin les images qui nous environnent, la forme transitoire se désagrège, les fulgurances se cristallisent. Tout comme notre temps.

Texte : Marie-Cécile Ruault-Marmande pour le cathalogue du Fond Départemental d’Art Contemporain 2009, Dordogne(24).

Email : f.leviski@orange.fr – Web : http://www.franckleviski.com